traces d'affection pour un bâtiment désaffecté

Publié le par laurence

Se balader dans les bâtiments désaffectés d’un ancien hôpital, c’est un peu comme se promener sur un ancien champ de bataille. Chaque pièce porte encore le poids des morts et des blessés mais on ressent aussi la bravoure de ceux qui ont combattu quotidiennement les rhumes, les cancers, les arcades sourcilières éclatées sur le coin de la table du salon, les infarctus du myocarde. Les armes jonchent encore le sol, scalpels, cathéters, ordonnances…et l’odeur qui plane sur tout ça ne doit pas être très éloignée de celle de la poudre. 

Point de trace de sang cependant ( les traces rouges sur le sol, c’est juste un choix de couleur du lino), mais partout, des traces d’attachement qu’on laissées en partant les gens qui ont travaillé dans l’hôpital. Des dessins, des petits mots fixés sur des plaques de lièges qui sont restées bizarrement accrochées aux murs alors que tout le reste a été consciencieusement déboulonné, des carreaux détachés pour garder un souvenir, des bouteilles de champagnes vides et poussiéreuses.

 Petit aperçu de l’ambiance, en image et en texte.

 Salle d'op numéro 1

Tom & Jerry ont apparement loupé le camion de déménagement


















Vue sur la ville depuis l'hélistation


















Un témoignage anonyme récupéré sur cette fameuse planche de liège de la cantine :


« Pendules : je vous regretterai
 
 De l’hôpital où j’exerce depuis 1979, ce qui me sera le plus difficile à quitter ce sont…les pendules !!!
En effet, tous les instruments de mesures horaires pendules et horloges ont ici la particularité d’indiquer une heure différente. L’heure universelle n’existe pas. A croire que les horloges ont une autonomie propre, et une volonté de plaire ou de nuire selon leur bon vouloir. Il y a les pendules de départ, les pendules d’arrivées, les horloges rapides, les lentes, les zélées, les fainéantes. La mise en place d’horloges digitales n’a rien changé à la chose, elles ont suivi l’exemple de leurs camarades à aiguilles. Dissipées, in-réglables, désordonnées. Mêmes les pointeuses y vont de leur originalité. A croire que l’endroit est magnétisé. Les seules pendules à donner l’heure exacte sont celles qui sont en panne (relativement nombreuses) et dont les aiguilles restent immobiles. Deux fois par 24 heures, elles indiquent l’horaire exact, pendant une minute. Encore faut-il se trouver là au bon moment, ce qui crée des embouteillages devant certaines pendules, chacun voulant « être là » au bon moment…Après, la fuite du temps reprend, inexorable et il faudra attendre à nouveau 12 heures pour jouir de l’heure juste.  










L’impossibilité technique d’obtenir une heure commune à tout l’établissement a transformé ces 29 années de travail en un perpétuel et agréable voyage autour du globe terrestre selon les fuseaux horaires rencontrés. En fonction des étages ou des services traversés, selon l’heure indiquée, rapportée à la longitude correspondante c’est en Indonésie que je me trouve lorsque je suis en chirurgie viscérale, puis la maternité m’accueille aux Etats-Unis, la Bolivie, L’Afrique australe, la Norvège sont mes nouvelles destinations. Je change de méridien comme je change d’étage, et le bon vieux Greenwich ne fait référence qu’au self et à la pharmacie. Si Jules Vernes avait été brancardier à Annecy, il aurait sans doute écrit « le tour du Monde en 80 minutes ». »

 

Publié dans J'y étais

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S
Très beau billet !Super les heures improbables
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E
What's new in your life? Ton dernier post date du 1er août... pire que moi. J'espère que tout va bien à Paname. JTB
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L
Hé oui, en projet depuis 1992, l'hôpital a enfin déménagé...Quant à toi, je vois que dès que j'arrive à Paris tu prends la fuite le plus loin possible...j'apprécie!
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R
Depuis le tps qu'il devait déménager, l'hôpital!Je n'en finis plus de déménager non plus... Fin du tour de France et décollage définitif début septembre - à bon entendeur, si une escale te tente!
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C
c'est de ton papa ce joli témoignage emprunt de nostalgie ?
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